ECYD2018
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Une école du don gratuit de soi

L’instrument du travail du synode des jeunes aborde à plusieurs reprises la question du volontariat. Dans certains pays, l’Église constate la croissance du nombre de jeunes volontaires qui donnent de leur temps et de leur énergie pour des causes «dans lesquelles ils se sentent directement impliqués » ( Instrumentum Laboris, no 27). S’engager pour des causes nobles est une manière de donner sens à notre vie et pour certains une étape vers la rencontre avec Dieu. En tant que chrétiens nous savons que la cause la plus noble est celle de l’Évangile. Le numéro 195 de l’instrument de travail parle spécifiquement du volontariat missionnaire comme d’un « don particulier que l’Église peut offrir à tous les jeunes ».

J’en ai fait l’expérience cet été en accompagnant comme aumônier les volontaires de l’ECyD en France. Un volontaire est un jeune, membre de l’ECyD, entre 15 et 16 ans, qui offre un moment de sa vie, en général ses vacances, pour se rendre disponible au Christ et à son Église dans un endroit où l’on a besoin de lui (Statuts de l’ECyD 31,1). Ce programme existe depuis quelques années dans d’autres pays et avec l’équipe de formateurs de Paris nous avions considéré important d’ouvrir à nos grands adolescents la voie du volontariat international avec un programme adapté et de faire découvrir à nos jeunes un aspect qui est inscrit dans l’ADN de l’ECyD : la dimension internationale. À ce propos, Martin, jeune volontaire français, raconte :

« Grâce à ce programme on sent l’ECyD comme une organisation catholique internationale, les pays changent, mais l’esprit est le même. J’ai découvert la foi des gens de nationalités différentes, mais surtout l’unité des catholiques dans le monde. Par exemple, une nuit nous dormions sous la tente et un énorme orage éclata. Nous avons eu peur et avons prié ensemble. Cette unité m’a beaucoup touché. »

En effet, le programme prévoit l’accueil des volontaires en France, l’envoi de volontaires dans d’autres pays et la possibilité pour les français de faire aussi cette expérience dans leur propre pays. Par exemple, cet été nous avons accueilli neuf jeunes du Brésil, Salvador et Mexique ; un français a participé au programme en Irlande et quatre autres français sont restés dans leur propre pays. Les deux grands défis d’un programme en France, à mon avis, sont de faire entrer les jeunes dans la réalité de Regnum Christi au service de l’Église en France et la barrière de la langue. Pour cela, avec notre équipe d’encadrants, nous avons décidé de faire plonger les jeunes volontaires dans le service paroissial comme première étape de leur mission. Ils ont animé avec grand enthousiasme un camp à Notre-Dame d’Auteuil et participé à d’autres tâches comme le déménagement des deux familles syriennes accueillies par la communauté paroissiale. L’accueil du curé, de la communauté et des familles qui les ont logés a été exceptionnel. À la fin du camp, une maman écrivait : « Un immense merci pour mon fils qui a énormément aimé sa semaine et tous les encadrants dont il me parle beaucoup. Quel bel exemple de voir les jeunes qui aident et qui donnent de leur temps pour nos enfants ! J’espère que lui, à 17 ou 18 ans, sera à son tour capable et donnera de son temps pour être volontaire . »

Ensuite, les volontaires ont découvert l’activité principale de l’ECyD en France : les camps. Au camp Top Aventure à Thonon-les-Bains ils ont goûté à ce monde des camps d’été sportifs et spirituels du côté de l’équipe d’animation. En préparant des activités sportives et spirituelles, les volontaires ont découvert la joie de vivre pour les autres. C’est le bilan de Nicolás, jeune volontaire salvadorien : « À Thonon-les-Bains, j’ai appris à être serviable, j’ai appris que se donner aux autres, malgré la fatigue, c’est le vrai bonheur . » Ils ont pu aussi prier et se ressourcer en pélerinant sur le chemin de Saint-Jacques avec comme thème de réflexion « Rencontres, décisions et convictions ». Ce pèlerinage a marqué les volontaires comme Javier : « Sur le chemin de Saint-Jacques, tu te rends compte que tu es en marche dans ce monde vers l’éternité et il faut aller à l’essentiel. Un jour, nous mourrions de soif en montant une colline. Grâce à une dame généreuse nous avons pu remplir nos bouteilles. Combien de fois j’ai refusé d’aider quelqu’un sans connaître son désespoir et la soif de son cœur ? Saint-Jacques m’a aidé à comprendre que pour te trouver comme personne et voir l’essentiel, les personnes et les choses importantes, il faut te perdre à l’intérieur de toi-même et laisser Dieu te guider dans le voyage, peut-être sentiras-tu que tu n’as trouvé ce que tu cherchais, mais tu trouveras sûrement le plus important. Je me suis rendu compte que nous vivions dans notre petite zone de confort qui nous empêchait de voir ce qui importe en réalité. »

La dernière étape du programme s’est déroulée à Lourdes sous le regard maternel de Marie et au service des malades. Après 60 kilomètres de marche, les volontaires ont découvert ce lieu incontournable de la géographie spirituelle française. « En arrivant à Lourdes après un chemin de Saint-Jacques pénible, j’étais là devant Marie à genoux pour prier, j’ai éprouvé un sentiment que je n’avais jamais éprouvé dans ma vie. Je sentais que Marie était là et qu’elle me disait : merci d’être venu, mon enfant, tu me réjouis », raconte Marcos, volontaire de l’ECyD du Mexique.

Au regard de ces activités diverses et variées, quel est l’objectif ? Peu importe le pays ou le type de mission, les objectifs du programme sont les mêmes : que le jeune fasse une expérience missionnaire (formation apostolique dans le langage ECyD) avec des jeunes de son âge ou des plus petits, qui l’aide à grandir dans l’amour pour le Christ et pour les autres avec un esprit de don de soi et de générosité. Cette finalité oriente tout le projet pédagogique du programme, c’est-à-dire que les adolescents sont impliqués directement dans la transmission de la foi aux plus jeunes dans l’action et non pas dans la théorie. Ils commencent à donner ce qu’ils ont reçu dans les étapes précédentes, et certains, en partageant la foi, la retrouvent. Personnellement j’étais surpris par la puissance du message de ces adolescents qui organisent un jeu sur les 7 péchés capitaux, une véritable catéchèse pour les plus petits, qui mettent en scène un Chemin de croix vivant, qui préparent la messe avec enthousiasme pour les plus jeunes. En contemplant ce spectacle je me souvenais des paroles du pape François à Rio : le meilleur moyen pour évangéliser un jeune, c’est un autre jeune.

Un élément essentiel du programme est aussi la disponibilité : les jeunes se proposent pour partir, mais ils ne choisissent pas leur pays de destination ni leur mission. Leurs formateurs, prenant en compte leurs talents et les besoins des différentes villes où l’ECyD est présent, attribuent le pays et la mission au jeune volontaire en dialogue avec leurs familles. Ce n’est pas toujours possible de trouver le bon endroit, car la barrière de la langue et de la culture n’est pas toujours évidente.

L’été du volontariat pour la fille ou le garçon de la quatrième étape de l’ECyD (15-16 ans) constitue un point d’aboutissement dans sa vie et un bon fruit de la pédagogie ECyD : rencontres, décision et convictions. Nous pourrions parler de ces trois mots comme d’un chemin de discernement, un style de vie, si nous osons les comparer aux trois verbes qui structurent l’instrument de travail du synode : reconnaître, interpréter et choisir. La rencontre avec l’amour de Dieu et avec les besoins du frère porte l’adolescent à s’interroger sur ce qu’il peut faire pour que plus d’hommes connaissent la Bonne Nouvelle. De la conviction profonde de se savoir aimé naît la décision de donner un été, quelques semaines, pour collaborer avec la mission de l’Église et faire que d’autres connaissent l’amour du Christ. La mission n’est pas le résultat de l’initiative humaine, mais la rencontre avec l’amour de Dieu : « La première motivation pour évangéliser est l’amour de Jésus que nous avons reçu, l’expérience d’être sauvés par lui qui nous pousse à l’aimer toujours plus. Mais, quel est cet amour qui ne ressent pas la nécessité de parler de l’être aimé, de le montrer, de le faire connaître ? » (Evangelii Gaudium, no 264).

Ce chemin de discernement propre de la pédagogie de l’ECyD est beaucoup plus qu’une méthode. Il est comme le dit bien l’instrument de travail une manière d’être au monde. Partir pour servir gratuitement la cause de l’Évangile n’est possible que lorsque nous reconnaissons les différents signes de la présence de Dieu dans notre vie, quand nous les interprétons comme de vraies preuves de son amour et cet amour qui nous apporte la joie, la paix nous pousse à choisir de donner à notre tour et autour de nous ce que nous avons reçu en abondance.

Pendant cette période, j’ai aussi perçu une conviction s’enraciner dans la vie de volontaires : on gagne sa vie dans la mesure où on la donne. C’est le message de Jésus dans l’Évangile, l’exemple qu’il nous a montré. On pourrait dire qu’avec trois semaines de camp, trois bons jours de marche sur le chemin de Saint-Jacques et une expérience de service auprès de malades à Lourdes, ces jeunes n’ont pas le choix, ils ne peuvent plus penser à eux-mêmes. En réalité, c’est au moment du bilan du soir que j’ai compris à quel point ils avaient grandi dans le don d’eux-mêmes. À la fin de nos journées chargées, leurs discussions, les points positifs et négatifs ne s’orientaient pas vers les désirs naturels d’un adolescent de leur âge : nous avons besoin de plus de temps pour nous, plus de temps de portable, etc. Les bilans étaient axés sur la mission, sur la meilleure manière de servir, de bien accomplir les choses pour les autres, de mieux témoigner de l’amour du Christ malgré la difficulté de la langue, de la complexité de certains enfants, de la fatigue accumulée et de la chaleur. Ce mois de volontariat ECyD a été l’expérience d’une petite communauté des disciples qui devient petit à petit missionnaire. Je rends grâce à Dieu pour ces jeunes, pour ceux qui viendront l’année prochaine, en faisant mienne la conviction qui anime le synode des jeunes : « Prendre soin des jeunes n’est pas une tâche facultative pour l’Église, c’est une part substantielle de sa vocation et de sa mission dans l’histoire. » (Instrumentum Laboris, no 1)

P. Roger Villegas, LC

Témoignages

« Ce programme de volontaires de l’ECyD m’a fait découvrir la foi des gens de nationalités différentes, mais surtout l’unité des catholiques dans le monde. Par exemple, une nuit nous dormions sous la tente et un énorme orage éclata. Nous avons eu peur et avons prié ensemble. Cette unité m’a beaucoup touché. Grâce à ce programme on sent l’ECyD comme une organisation catholique internationale, les pays changent, mais l’esprit est le même. »
Martin, ECyD Paris, 15 ans
« Ce programme m’a aidé à me préparer pour devenir animateur et responsable d’équipe. Nous avons appris à mener un groupe d’enfants dans des activités en plusieurs langues, mais aussi à travailler avec les autres animateurs dans l’organisation des jeux. Le projet est varié et les trois jours de marche sur le chemin de Saint-Jacques m’ont permis de faire une réflexion sur mon propre projet de vie et d’approfondir ma foi. Chaque activité nous a permis d’exprime librement notre foi dans les activités que nous avons réalisées. »
Paul, ECyD Paris, 15 ans
« Le programme de volontariat de l’ECyD m’a réellement montré que la foi envers notre Dieu est universelle, malgré les différentes cultures et nationalités. J’ai compris cela lors d’une nuit passée sous la tente avec des amis français, brésiliens et mexicains. En effet, vers minuit un orage éclate et notre tente ne tient pas trop le coup. Tels les disciples dans le passage de la tempête apaisée (Mc 4, 35-41), nous avons tous pris peur. Grâce à la foi que chacun avait, nous avons retrouvé notre sang-froid et prié la Vierge Marie tout en nous battant contre la tempête. Cette démarche de foi m’a vraiment marqué pendant ce camp. »
Paul-Aimery, ECyD Paris, 16 ans
« Ce mois passé comme volontaire de l’ECyD a été une des expériences les plus enrichissantes de ma vie. J’ai développé la joie et la volonté d’animer les activités et camps pour les plus jeunes. J’ai vécu une expérience inoubliable dont j’aimerais témoigner à propos de ma foi spendant notre pèlerinage sur le chemin de Saint- Jacques. Le matin, nous avions médité sur l’Évangile de l’homme qui avait passé toute sa vie à gagner de l’argent et à le cacher. Et Dieu lui dit que le soir-même il allait être rappelé aux cieux et lui demande ce qu’il avait accompli durant sa vie. J’ai beaucoup médité sur cet Évangile sur le chemin de Saint-Jacques en me demandant, si Dieu m’avait rappelé le soir, ece que l’on retiendrait de ma vie ? Le soir même, dormant sous la tente avec les volontaires, un orage très violent s’abattait sur notre tente. Tous paniquaient, nous priions et chantions le Seigneur sachant que chaque prière peut être la dernière. Ce signe de Dieu m’a bouleversé, car nous étions en quelque sorte en train de vivre l’Évangile du matin. À la grâce de Dieu ! Nous nous en sommes sortis après une demi-heure d’orage et de pluie violente. Même si cela peut être dur à certains moments, j’ai envie que chaque moment de ma vie soit vécu pour rendre ce monde meilleur. Enfin, ce camp avec les volontaires a été incroyable, on a créé des amitiés même avec les différences de langues. On avait même l’impression de n’être que des français le 15 juillet quand la France a gagné la coupe du monde ! »
Joseph, ECyD Paris, 16 ans.