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Un pont invisible

Réflexion du P. Valentin Gögele, LC, provincial des Légionnaires du Christ pour l’Europe occidentale et centrale, sur la pastorale des vocations au sein de la famille spirituelle Regnum Christi

Traduit de l’allemand

Pastorale des vocations au sein de la famille spirituelle Regnum Christi : les personnes consacrées peuvent servir de guides à leurs pairs sur leur chemin de vie.

Dans un monde de plus en plus sécularisé, où de nombreuses formes traditionnelles de foi semblent perdre de leur importance, la question de Dieu, du sens de la vie, de l’orientation de la vie et d’autres questions profondes restent d’actualité parmi les jeunes. J’en ai eu la confirmation à maintes reprises au cours de mon long parcours d’accompagnement d’adolescents et de jeunes.

« P. Valentin, comment avez-vous compris que c’était votre voie ? Comment puis-je écouter Dieu ? Pouvez-vous m’apprendre à prier ? ». En tant que recteur de notre petit séminaire de Bad Münstereifel, j’ai été amené à avoir de nombreuses et précieuses conversations sur ces questions fondamentales avec les étudiants. Pour les jeunes qui sont confrontés à ces questions, notre famille spirituelle veut offrir un cadre qui les aide à les approfondir.

En tant que prêtre, je constate que la recherche de sa vocation demande aujourd’hui plus de temps et de profondeur. Les jeunes qui empruntent cette voie se posent souvent des questions fondamentales : qui suis-je ? Quelle est ma place dans ce monde ? Qu’est-ce que Dieu attend de ma vie ? Comment puis-je être heureux ? Dieu peut-il vraiment me rendre heureux ?

Suis-je appelé à la vie consacrée, à la vie religieuse, à la vie sacerdotale ?

Ces défis existentiels sont au cœur de la pastorale des vocations. Il s’agit essentiellement d’apprendre à construire et à vivre une vie chrétienne dans le monde d’aujourd’hui, empreinte de liberté, d’authenticité et d’épanouissement personnel. C’est sur cette base, souvent laborieusement acquise, que s’épanouit la compréhension de la vocation qui, dans certains cas, peut prendre une forme très concrète : suis-je appelé à la vie consacrée, à la vie religieuse, à la vie sacerdotale ?

On parle beaucoup de la valeur et de l’attrait de la vie consacrée et du sacerdoce. Et pas seulement d’un point de vue critique à l’égard de l’Église. Les temps sont révolus où tout jeune chrétien qui prenait l’Évangile au sérieux se décidait presque systématiquement pour la vie religieuse ou le sacerdoce diocésain. Aujourd’hui, il existe de multiples façons de vivre un engagement total. Les jeunes chrétiens engagés, qui sont nombreux, savent très bien qu’ils peuvent aussi vivre pleinement l’Évangile dans le mariage et la famille ou servir l’évangélisation en tant que laïcs. Je considère cela comme une évolution très positive. Toute vie chrétienne est une vocation. Cependant, Dieu continue d’appeler certains à le suivre dans un engagement particulier à servir l’Église et à la société.

Ce n’est que lorsque les jeunes – qui aujourd’hui sont souvent très sensibles au « formalisme » » et à « l’apparence » – font l’expérience de l’authenticité et de la proximité de la vie des personnes consacrées et des prêtres que ces chemins de vie revêtent un attrait particulier. Cet attrait se nourrit d’une relation profonde avec le Christ et d’un véritable dévouement aux autres.

Un pont invisible

Il y a peu de temps, j’ai rencontré à l’aéroport une jeune femme et sa famille originaires du Pakistan. Tout comme je trouvais passionnant de parler pour la première fois à des personnes originaires de ce pays, j’ai réalisé à quel point il était étonnant pour Meerum – c’est son prénom – de parler pour la première fois à un prêtre catholique. Elle n’a pas arrêté de me poser des questions. Nous avons beaucoup appris l’un de l’autre et, une nouvelle fois, je me suis réjoui d’être facilement reconnu comme prêtre à travers mes déplacements. Cela peut susciter différentes réactions, mais l’expérience que j’ai acquise ces dernières années montre que les jeunes apprécient particulièrement lorsqu’une personne vit authentiquement selon ses convictions et s’y tient fermement.

Cela crée un pont invisible que peuvent franchir ceux qui se posent des questions plus profondes sur le sens de la vie et de leur vocation. Pour moi, un aspect essentiel de la pastorale des vocations est l’accompagnement personnel. Grâce à cela, les jeunes peuvent apprendre à se connaître et à s’accepter comme des enfants bien-aimés de Dieu. Ceux qui s’engagent résolument sur le chemin du discernement vocationnel doivent avant tout approfondir cette dimension de leur vie. Il me semble important d’encourager ces jeunes à une vie de prière plus soutenue, qui favorise la proximité avec Dieu. Dans l’accompagnement personnel, un dialogue s’instaure qui peut être enrichissant et éclairant dans le cheminement de l’âme vers Dieu. Cela conduit à une liberté, à la fois humaine et spirituelle, qui rend possible le discernement de son état de vie.

L’un des signes les plus importants de cette liberté, fruit d’une vie de prière authentique, est le moment où la personne qui recherche sa vocation se tourne vers Dieu comme un Père aimant, comme un ami vivant en Jésus, comme un Esprit libérateur et vivifiant. Il s’agit de renoncer aux phrases pieuses et vides de sens et de parvenir à une relation réelle avec une personne.

Ma propre expérience de la vocation

C’est à l’âge de 13 ans que j’ai eu pour la première fois l’idée que Dieu m’appelait peut-être à devenir prêtre. Je le dis ainsi parce que c’était ma perception, avec laquelle j’ai lutté pendant sept ans, parfois consciemment et parfois comme une voix à peine perceptible. Finalement, c’est mon cheminement dans la prière, la vie sacramentelle et les conversations avec des personnes consacrées et attentives qui, avec prudence, m’ont aidé, pas à pas, à comprendre la possibilité d’une vocation comme une réponse libre à une invitation aimante de la part de mon meilleur ami.

Communauté et mission : la clé de la pastorale des vocations

Un autre aspect très important de la pastorale des vocations aujourd’hui est l’apprentissage et le renforcement des relations communautaires. Ceci est particulièrement important pour notre communauté, car toute vocation mûrit au sein d’une communauté de foi. Grâce aux échanges et aux rencontres avec des personnes partageant les mêmes idées, que ce soit lors de retraites, de week-ends de jeunes ou d’activités missionnaires, les jeunes découvrent à quel point la communauté de foi peut être vivante et puissante. Cela favorise également la prise de conscience qu’un prêtre peut être plus fructueux lorsqu’il est dans et avec une communauté, au service de Dieu et des personnes : ni comme un « loup solitaire », ni comme le sommet d’une structure, mais dans un cercle de frères et de compagnons de route, comme une « communauté en chemin », ce que le pape Benoît XVI a décrit un jour comme « une écoute commune du Seigneur et une marche ensemble ».

Cela renforce une identité consciente de sa propre mission et qui, à partir de cette certitude, entre dans une relation créative et convaincante avec la société, une société qui désire et a besoin du message de l’amour de Dieu.

Une dynamique authentique de discernement vocationnel a besoin, en plus de la relation avec un Dieu vivant qui m’aime et m’appelle tel que je suis, de deux axes de réflexion : la communauté et la mission. Seul un socle aussi solide peut servir de fondement sûr pour le développement ultérieur de la vocation concrète de chacun.

À mes yeux, cela constitue une image extrêmement passionnante et enrichissante de la pastorale des vocations. Dieu veut que chaque personne prenne en main son propre chemin de vie, qu’elle le poursuive dans une profonde union et collaboration avec lui et avec les autres, et qu’elle se donne pleinement à ce projet commun.

À propos de l’auteur
Né en 1979, ordonné prêtre en 2010, le P. Valentin Gögele, LC, a été recteur de l’École apostolique de Bad Münstereifel de 2011 à 2018 et coordinateur régional de Regnum Christi en Rhénanie de 2017 à 2020. Depuis 2018, il est directeur provincial des Légionnaires du Christ en Europe occidentale et centrale.