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Où est ton trésor ?

Réflexions de Lucy Honner dans les rues de Bangalore

Lucy Honner s’est rendue à Bangalore, en Inde en septembre pour participer à une session sur la spiritualité, la mission et le charisme, parrainée par les religieuses de l’Inde et les Sœurs Missionnaires de Saint Pierre Claver. Lucy a donné des présentations sur la vie fraternelle, le charisme et la spiritualité aux 78 religieuses participantes qui représentaient douze communautés religieuses différentes présentes en Inde.

« Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Matthieu 6,19-21).
L’Inde est un pays d’intrigues et de contrastes, de beauté et de dépravations parmi les épreuves d’une vie dotée d’un minimum de ce que la plupart des gens appelleraient la «sécurité». J’ai été profondément ému par le contraste entre ma vie confortable ici aux États-Unis et les valeurs radicalement différentes de la culture indienne : profiter de la vie avec ses joies et s’accompagner l’un l’autre dans les difficultés ; l’hospitalité, le service, offrir des cadeaux. C’est à travers cela que j’ai perçu la possibilité d’un mode de vie différent du mien, et trouvé une présence plus grande de Dieu.
« Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux? Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie? » Matthieu 6, 26-27).
Le chaos absolu est frappant – du trafic allant dans toutes les directions aux constructions qui ne semblent jamais s’achever aux ordures jetées n’importe où. Il existe ici un mépris total pour l’ordre et pour la propreté considéré à l’Ouest comme les éléments nécessaires de la civilisation, de ce qui est précieux et fonctionnel. Il n’y a aucun sens de la perfection et du contrôle. L’acceptation des choses comme elles surviennent dans le moment présent est un mode de vie commun. « Le temps indien » signifie profiter de l’instant présent, être disponible pour quiconque a besoin de vous … et enfin se manifester.
« Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain ; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. » (Matthieu 6, 33-34a).
La veille de mon arrivée en Inde se produisit l’explosion d’une bombe devant la Haute Cour de New Delhi. Le lendemain de mon départ, le nord du pays a subi un séisme. Ces traumatismes ont été signalés avec un anglais britannique parfait dans les journaux locaux, dans un style journalistique destinée à rendre compte des faits sans pour autant créer l’hystérie. « C’est la vie, vous ne savez pas quand votre moment viendra» fut la réponse terre-à-terre d’un de mes nouveaux amis indiens, la capture d’un sens du présent tout en faisant face à la réalité de l’avenir incertain.
« Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle.» (Jean 12, 25).
Reste la question test : où est ma sécurité ? Dans la justice, la liberté, le sens de mes droits et ce dont je suis redevable ? La vie en Inde offre peu ou pas de ces valeurs matérielles ; les Indiens se rendent vulnérables par leur sens de hospitalité, par leur manière de traiter chacun comme un invité. D’une certaine manière, nous savons tous combien nous sommes pauvres, faibles, vulnérables et indignes … Il y a une chose dont nous pouvons être absolument sûrs : tout ce que nous amassons pour nous-mêmes dans cette vie finira par nous échapper. Dans les rues de Bangalore, j’ai appris à vivre en paix dans le moment présent : en gardant mes yeux fixés sur le trésor ultime que mon cœur cherche.
Lucy Honner