Monique Villen a soutenu sa thèse de doctorat en Littérature à Madrid
« Nous, consacrées de Regnum Christi, considérons l’éducation comme un domaine indispensable de notre apostolat, notamment au niveau universitaire. »
Monique Villen est une consacrée française qui fait actuellement partie de la communauté des consacrées de DM de Pozuelo, à Madrid. Le 16 juin dernier, elle a soutenu sa thèse de doctorat à l’Université Francisco de Vitoria. Elle a eu la chance de pouvoir se consacrer à temps plein à ses recherches tout en alliant son travail de doctorante avec sa mission de tutorat à l’Université Francisco de Vitoria. La thèse porte sur les relations existant entre la littérature de science-fiction et notre monde, à partir des théories littéraires des mondes possibles de Marie-Laure Ryan.
Dans cette interview, Monique nous parle du rapport entre les études et l’apostolat et de la formation des consacrées.
Quel a été le thème principal de votre travail ?
J’ai étudié la relation entre la littérature de science-fiction et notre monde à partir des théories littéraires des mondes possibles de Marie-Laure Ryan. Les mondes science-fictionnels inventent de nouvelles possibilités et anticipent des schémas qui n’existent pas dans notre univers, grâce à la construction du monde dans lequel se déroule l’histoire, un lieu inconnu ou inexploré, inhabituel et surprenant. Cependant, je considère que la littérature n’est pas un simple divertissement qui favorise l’illusion et la fuite de la réalité. Au contraire, elle devient un instrument privilégié qui nous permet de connaître la réalité, d’appréhender l’esprit de son temps et d’en trouver le sens le plus profond. Les romans de science-fiction ne dupliquent pas notre vie comme le ferait un roman réaliste, ils la projettent vers l’avenir. Nous n’apprenons pas seulement qui nous sommes et comment est notre monde, nous nous préparons aussi pour savoir qui nous voulons être et quel monde futur nous voulons bâtir.
Pourquoi avez-vous choisi ce sujet ?
J’ai commencé mes études universitaires à la Sorbonne où j’ai étudié les Lettres modernes, mais ma consécration m’a amenée à voyager dans le monde et à mettre de côté ma carrière littéraire, bien que mon enseignement au Centre de formation des consacrées de Regnum Christi à Monterrey (2002 à 2010) ait été centré sur les sciences humaines. Mon arrivée à l’Université Francisco de Vitoria m’a permis de suivre un master en Humanidades, ce qui a réveillé en moi la passion de la littérature et m’a ouvert la porte au doctorat.
Quelle est la projection apostolique de cette thèse de doctorat ?
Au numéro 56 du Communiqué de l’Assemblée générale ordinaire 2020 des consacrées de Regnum Christi, nous lisons : « (…) certains domaines que nous avons considérés comme importants, en raison de l’impact qu’ils peuvent avoir dans le contexte du monde d’aujourd’hui sont : l’éducation comme domaine indispensable ; […] surtout au niveau universitaire ; […] la culture et le domaine académique. »
Un doctorat est aujourd’hui indispensable pour travailler dans le monde universitaire et académique en tant qu’enseignant-chercheur. J’avais déjà publié de nombreux textes et iBooks sur Internet mais pas d’articles dans des revues scientifiques. J’ai réalisé que j’avais besoin d’une mise à jour importante et d’une formation plus approfondie pour me lancer dans la recherche qui m’attirait de plus en plus, d’où l’envie de commencer un doctorat.
Pourquoi pensez-vous qu’il soit important que vous, consacrées, suiviez une formation jusqu’à l’obtention d’un doctorat ?
Un doctorat n’est pas une fin en soi mais un chemin. On dit souvent que le doctorat est une « formation à la recherche, à travers la recherche ». En effet, au cours de son doctorat, si le travail de recherche est sérieux, on apprend beaucoup au-delà du projet de thèse, tels que l’esprit critique, la rigueur scientifique, l’autonomie et la gestion du temps, etc. La rédaction d’une thèse est également l’occasion de contribuer au progrès scientifique et de développer un domaine d’expertise spécifique pour lequel on sera particulièrement recherché.
Est-il possible d’allier les études de doctorat et l’apostolat au sein de Regnum Christi ?
Le doctorat est un long processus, d’au moins trois ans, un travail difficile et une aventure pleine d’embûches. J’ai eu la chance de pouvoir m’y consacrer à plein temps, en alliant mes recherches avec ma mission de tutrice à l’Université. Seulement à partir d’octobre 2020, le nombre d’étudiants pour lesquels j’exerce une mission de tutorat a augmenté (j’en ai eu 40).
Ce fut un véritable privilège car il faut être passionné par le sujet ou le domaine de recherche pour l’explorer en profondeur, dans toutes les directions, sous tous les angles et avoir le goût d’apprendre et de comprendre. Dans mon cas, cela a également permis de dénoncer une situation : la marginalisation des études de science-fiction dans le milieu universitaire et académique, surtout en Espagne, malgré sa diffusion mondiale dans la littérature, le cinéma et même dans les bandes dessinées et les jeux vidéo.
Après ce doctorat, quels sont maintenant vos projets pour l’apostolat ?
Dans le domaine de la recherche, j’ai l’intention de poursuivre ma relation avec Marie-Laure Ryan et avec les chercheurs que j’ai rencontrés lors de mes différents séjours à Paris. Par exemple, j’envisage de participer à un congrès à Chicago en octobre 2021 organisé par La Société Internationale de Recherche sur la Fiction et la Fictionnalité (SIRFF), un groupe de recherche créé par l’Université Sorbonne Nouvelle, l’Université de Chicago et l’Université Kwansei Gakuin au Japon. Je souhaite également continuer ma collaboration dans les groupes de recherche : « Imagination et mondes possibles » et « Entre modernité et postmodernité » de l’Université Francisco de Vitoria.
En relation directe avec la thèse, en plus d’étendre le corpus d’étude à d’autres œuvres littéraires de science-fiction, le sujet ouvre la porte à des études anthropologiques, notamment les liens entre la science-fiction et la condition humaine « futurible » dont parle Julián Marías en liaison avec les découvertes de la neuroscience, le cerveau producteur de futur. J’aimerais également appliquer mon modèle aux films de science-fiction et l’adapter au fantastique et au merveilleux.
Dans le domaine de l’enseignement, la science-fiction devrait prendre plus d’importance dans le travail universitaire. C’est pourquoi, en plus de publier dans des revues scientifiques, j’envisage de donner un séminaire sur la science-fiction à l’Université Francisco de Vitoria. Je maintiendrai également ma mission de tutorat, en assurant un suivi particulier des étudiants français qui viennent en Espagne pour faire leurs études de kinésithérapeute.
Parcours de Monique Villen
Paris et les arts
Je suis née à Paris et je pense que c’est là qu’est né mon amour pour l’art et la littérature. Après des études de lettres modernes à la Sorbonne et à l’Institut catholique de Paris, études que je n’ai pas achevées, j’ai présenté un concours pour le poste d’institutrice et j’ai travaillé dans diverses écoles pendant sept ans. Je garde un merveilleux souvenir de ces années d’étudiante et d’enseignante au milieu d’une intense vie culturelle : la danse, le cinéma, le théâtre, les musées et les promenades dans les vieux quartiers de Paris.
De plus, j’ai fait partie des scouts d’Europe pendant dix ans, ce qui m’a permis de compter sur un groupe d’amis catholiques plus ou moins engagés où nous vivions notre foi dans une ambiance très saine et joyeuse.
La musique a aussi beaucoup compté, depuis mon enfance. Je me souviens d’avoir participé aux chorales de l’école, du lycée et de l’université, très impliquée aussi dans la chorale des scouts d’Europe dirigée par Henri Gire et dans plusieurs chorales À Cœur Joie. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré le mouvement Regnum Christi grâce à une amie qui avait invité deux consacrées à une formation de cheftaines. À l’époque, il n’y avait pas de centre à Paris. Les consacrées venaient périodiquement de Rome pour des retraites et des activités de formation. Engagement au sein de Regnum Christi
Conquise par la spiritualité de Regnum Christi et appelée par le Seigneur, je me suis engagée au sein de Regnum Christi en 1989 au Sacré-Cœur de Montmartre et je me suis consacrée en août 1990 à Madrid. Après une courte formation à Rome, j’ai été envoyée en Suisse en octobre 1992, pour la fondation du Châtelard (école de Regnum Christi en Suisse) afin d’assurer la formation scolaire des élèves.
Je suis revenue à Paris en mars 1996 pour soutenir la fondation du Foyer Sainte-Thérèse (partie pédagogique) et travailler avec toutes les tranches d’âges de l’ECyD (adultes, jeunes, adolescents) jusqu’en 2001.
Professeur au Centre de formation des consacrées à Monterrey (Mexique)
Ensuite, je suis partie pour le Mexique pour devenir professeur au Centre de formation des consacrées de Monterrey, spécialement dans le domaine des sciences humaines. C’est là que j’ai pu développer davantage ma passion pour l’évangélisation et la transmission des valeurs à travers la culture, notamment le cinéma et la littérature.
J’ai aussi publié en 2006, un livre intitulé « Ecce Homo. La pasión de Cristo a la luz de la sábana santa ».
Missions en Espagne
En janvier 2011, pour me rapprocher de ma famille, j’ai continué mon enseignement au Centre de formation des consacrées de Madrid jusqu’en 2012 et j’ai commencé à travailler à l’Université Francisco de Vitoria de Madrid, tout particulièrement dans un programme d’accompagnement des élèves de première année (HCP).
Mon arrivée à l’Université Francisco de Vitoria m’a permis de suivre un master en Humanidades qui m’a ouvert la porte au doctorat. Après tant d’années, j’avais l’occasion de revenir à mes amours de jeunesse (la littérature et la science-fiction). Cependant, j’ai réalisé que j’avais besoin d’une mise à jour importante et d’une solide formation pour me lancer dans la recherche qui m’attirait de plus en plus, d’où le besoin de commencer un doctorat.