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« Jésus, mon ami, je veux vivre avec toi tout ce que tu as vécu pour nous »

Avec son frère Elías et le P. Andrés Colmenares, le P. Leopoldo Sayegh a été ordonné prêtre lors d’une cérémonie présidée par Son Éminence le cardinal Baltazar Porras le samedi 12 décembre 2020. La célébration été transmise en direct. Vous pouvez accompagner les nouveaux prêtres dans leur magnifique choix de vie par votre prière et en revivant la célébration sur YouTube. Merci de tout cœur pour votre soutien !

Retrouvez sur notre compte Flickr les photos des ordinations sacerdotales et de la première messe du P. Leopoldo

Témoignage vocationnel du P. Leopoldo Sayegh, LC

Ma famille : un exemple

Ma vocation a mûri dans ma famille, avec l’exemple de vie et de foi de mes parents, de mes frères, de mes grands-parents et de mes oncles et cousins. Quel amour j’ai reçu de leur part ! Ma vocation s’est aussi développée dans d’autres « bonnes terres » : mon école, l’ECyD et Regnum Christi. Grâce à cette « bonne terre », j’ai fait, dès mon plus jeune âge, l’expérience de grandir dans l’amour de Jésus à travers des actes concrets. J’ai réalisé que je pouvais accomplir beaucoup de choses pour le bien de mon voisin, que je pouvais m’amuser de manière saine, que mon bon exemple pouvait avoir une influence positive sur les enfants plus jeunes que moi, que mes erreurs et mes mauvaises décisions avaient des conséquences négatives, que le service est un chemin vers le bonheur, qu’il y a beaucoup plus de joie à donner qu’à recevoir.

Voici quelques-uns des coups de pinceau qui composent mon histoire et qui, au fil des ans, font maintenant partie de la toile sur laquelle est peinte ma vocation de prêtre.

Le début d’une grande dévotion

À l’âge de neuf ans, j’ai voyagé de Caracas à Mexico avec mon père pour participer à une compétition de natation. À cette occasion, nous sommes allés visiter la Basilique de la Vierge de Guadalupe et j’ai adoré son histoire : les apparitions, les roses, le manteau, son image… Lorsque je me suis approché pour la première fois du tilma de Juan Diego où apparaît l’image de la Vierge Marie, j’ai ressenti sa présence et son amour maternel de façon très réelle. Ce jour-là, une grande dévotion est née en moi.

Aux côtés de Jésus, mon bon ami

Lorsque j’avais onze ans, je me souviens bien des paysages de montagne où nous avons effectué nos missions, des champs parsemés de brocolis, beaucoup de brouillard, une paix silencieuse. Dans la nuit du Jeudi Saint, on nous a expliqué que les adultes se relaieraient lors d’une adoration jusqu’à l’aube pour accompagner Jésus à Gethsémani. Nous, les enfants, ne participions qu’au début de l’Heure sainte et ensuite nous allions nous coucher. Pourquoi voulais-je rester ? Pourquoi ne suis-je pas allé dormir comme tout le monde ? Il y avait en moi le désir d’accompagner Jésus, ce bon ami, pour ce moment aussi crucial. Les heures ont passé. Certains adultes se sont relayés pour prier avec Jésus. J’étais au fond de la chapelle pour ne pas trop attirer l’attention et je voulais rester. Je me souviens avoir vu une dame entrer, elle s’est mise à genoux et a levé ses bras en forme de croix. C’est la première fois que je voyais quelqu’un prier dans cette position. Au début, je trouvais cela étrange. Après quelques minutes, je commençais à être impressionné. Ce n’est pas facile de passer du temps les bras levés dans cette position. Et soudain, j’ai compris. Cette dame voulait non seulement accompagner Jésus, mais aussi soulager sa douleur avec la sienne. Magnifique ! C’était comme un éclair de lumière dans mon intelligence d’enfant. Quelques instants plus tard, j’étais moi aussi à genoux, les bras ouverts en forme de croix. Je ressentais un grand bonheur dans mon cœur. « Jésus, mon ami, je veux t’accompagner et vivre avec toi tout ce que tu as vécu pour nous. »

Mon deuxième choix de vie

Le travail scolaire est toujours une chose laborieuse pour un garçon de douze ans. Cette fois-ci, je dois avouer que j’étais intéressé. Un projet de vie… Que veux-tu faire lorsque tu seras grand et pourquoi ? J’avais alors fait deux choix. Pourquoi pas un seul comme la plupart de mes camarades de classe ? Quelque chose me poussait à réfléchir davantage. La première option, en imitant un peu mon père, était d’étudier l’architecture ou l’ingénierie pour travailler dans le domaine de la construction et de l’immobilier. Il s’agissait aussi de fonder une famille, de voyager, de connaître le monde. Le deuxième choix était différent et assez original : devenir prêtre. Vraiment ? « Oui, être prêtre parce que c’est l’une des meilleures façons de faire du bien aux autres. » Tout le monde a été surpris que j’aie ce projet en tête, même si ce n’était qu’une éventualité. J’en ai parlé avec mes parents quelques jours plus tard : « Mon fils, si tu sens que c’est ce que Dieu veut pour toi, nous te soutiendrons, l’important est que tu sois heureux. Tu es encore jeune. Si cette idée perdure, nous verrons le moment venu. »

Se poser les questions essentielles

À l’âge de quatorze ans, j’ai vécu un événement qui m’a donné une profonde leçon de vie. Un jour, j’arrive à l’école comme tout le monde. Une journée ensoleillée, des centaines d’enfants avec leur baluchon sur le dos, des professeurs ici et là… Mais non, ce n’était pas une journée normale, il régnait une atmosphère étrange, quelque chose s’était passé. Personne ne pouvait le croire, un camarade de classe était mort la veille dans un accident. C’était la première fois que je réfléchissais à la réalité de la mort. Cela m’a profondément touché de penser que sa mère et son père ne pourraient plus jamais le voir, lui parler, l’embrasser… Nous avons tous participé à une messe dans la cour de l’école. Au moment de l’homélie, les paroles du prêtre ont résonné en moi avec beaucoup de force : « Personne ne s’attendait à ce que cela se produise. Nous sommes tous remplis d’étonnement et de tristesse. Que se serait-il passé si vous aviez été à sa place ? Auriez-vous été satisfaits de votre façon de vivre si hier avait été le dernier jour de votre vie ? »

Cette question résonnait en moi comme le son d’une cloche. Es-tu satisfait de ta façon de vivre ? Quel est le sens de la vie ? Cette nuit-là, allongé sur mon lit, je me souviens m’être posé de nombreuses autres questions : pourquoi existons-nous ? Cette vie est-elle une sorte de préambule à une vie future meilleure ? Le paradis existe-t-il ? Si le paradis existe, comment pouvons-nous y parvenir ? Avec ces questions qui hantaient mes pensées, je me suis endormi.

Cette histoire ne s’arrête pas là. Le lendemain, je suis retourné à l’école où une conférence était organisée par un prêtre espagnol dont le titre était : « Pour vous sauver ». La conférence avait été prévue plusieurs mois auparavant. « Chers jeunes, a dit le vieux prêtre que j’avais rencontré pour la première fois de ma vie ce jour-là , je vais partager un secret avec vous. C’est peut-être le secret le plus important de ma vie. C ’ est la ré ponse à la question suivante : comment s’assurer d’aller au paradis ? »

« Ce n’est pas possible ! » me suis-je exclamé dans mon cœur. C’est justement la question que je m’étais posé hier soir ! Je ne peux pas m’attarder plus ici pour relater toute la conférence de ce prêtre, envoyé par la providence de Dieu juste ce jour-là, mais je voudrais partager avec vous une chose qui m’est apparue très clairement. Dans la vie, nous devons toujours nous efforcer de faire le bien, bien que nous soyions fragiles et que nous commettions souvent des erreurs. L’important est de ne jamais rester dans l’erreur, de toujours nous relever, avancer, ne jamais nous laisser aller à la dérive, nous tourner toujours vers Dieu et savoir demander pardon. Lorsque nous avons le malheur de commettre un péché, toujours recourir au sacrement de confession à la première occasion. Ne jamais abandonner. C’est ce conseil qui m’a tenu à l’écart de nombreuses erreurs. J’en ai commis beaucoup, oui, mais Dieu a toujours été là pour me pardonner et réorienter mes décisions vers quelque chose de meilleur.

Un Père miséricordieux

En parlant d’erreurs, vers l’âge de quinze-seize ans, il m’est arrivé de boire trop d’alcool et cela a beaucoup blessé mes parents de me voir dans cet état. Pourquoi tant d’excès ? Quelle honte j’ai ressentie ! Ils m’ont parlé plusieurs fois et essayé de me faire comprendre que ce n’était pas bien. Mais cela se reproduisait. Je me laissais simplement emporté par l’atmosphère de fête et je ne savais pas à quel moment m’arrêter. C’était le même chose avec mes amies. Je suis tombé amoureux de l’une de mes amies, je suis devenu son petit ami. Puis je suis tombé amoureux d’une autre et j’ai quitté la précédente et j’ai continué avec la nouvelle, comme si rien ne comptait… et ainsi de suite. C’était une période de grande immaturité pour moi. Aujourd’hui, je le regrette car ce n’est pas une manière de faire. Les sentiments sont des choses très sérieuses…

Je suis aussi sorti du vandalisme. Il est étonnant de voir à quel point une bande d’adolescents peuvent faire des bêtises lorsqu’ils détournent leur créativité et leur énergie : graffitis, etc. Je ne sais pas ce qui nous traversait l’esprit. Je m’excuse pour tout cela. Et je remercie Dieu pour sa patience et sa constance à me relever encore et encore, jusqu’à ce que je parvienne à changer d’attitude. En ces années de rébellion sans cause et de tant d’erreurs, j’ai pris de plus en plus conscience que Dieu est un Père miséricordieux, qui ne refuse jamais son pardon au pécheur repenti. Il m’est apparu clairement que sa divine miséricorde est plus forte que tout péché et qu’à force de pardon, elle nous conduit à la conversion.

« Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout. » (Jn 13, 1)

À seize ans, dans le cadre de certaines missions en Amazonie (je ne parle pas de la chaleur !), ma vocation a connu un nouvel élan : d’une part, l’expérience d’animation d’un groupe de jeunes qui ont donné de leur personne pour servir les autres dans des circonstances d’extrême pauvreté tant matérielle que spirituelle ; d’autre part, Jésus voulait se rendre présent et réaliser son appel de manière explicite. Encore une fois, un Jeudi Saint avant l’Eucharistie, il était prévu de passer la nuit à méditer sur les chapitres treize à dix-neuf de l’Évangile de saint Jean – du lavement des pieds à la mort sur la croix. Mais Dieu a changé mes plans. Lorsque j’ai lu le premier verset du chapitre treize, j’ai fondu en larmes et n’ai pas pu aller plus loin. Ce verset est resté gravé en moi toute la nuit et a laissé une empreinte en mon cœur : « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout. » (Jn 13, 1). Parallèlement à l’intensité d’amour présente dans ce verset, j’ai ressenti l’invitation de Jésus à être son prêtre.

Les nouveaux prêtres

« Je veux que tu sois mon prêtre »

Dix-sept ans. Combien de moments d’adoration silencieuse et de combat intérieur ai-je passé dans la chapelle de mon école, à genoux ? Des dizaines de fois j’ai demandé à Jésus-Christ si c’était vraiment son appel. Sa réponse était toujours la même : « Je veux que tu sois mon prêtre. » Tous mes autres plans ont été mis en veilleuse et mes autres projets de vie ont fini par être écartés. Je ne pouvais que répondre avec amour à celui qui m’avait tant aimé. Mais, les épreuves n’ont pas tardé à arriver… Ce n’est pas une décision facile. Et je pense pouvoir dire sans me tromper qu’il n’y a pas de décision plus contestable. Tous les deux ou trois jours, j’avais une conversation avec quelqu’un qui me présentait tous les « inconvénients » d’un tel choix de vie. En outre, les arguments d’abandonner cette idée et de vivre une vie « normale » devenaient chaque jour plus concrets et prometteurs : l’octroi d’une bourse dans l’université où je voulais étudier, la possibilité d’obtenir un poste dans l’entreprise familiale…

Ces arguments apparaissaient de plus en plus clairs et justement cette année-là, j’ai rencontré une jeune fille que je regardais d’une manière différente de mes autres amies. C’était quelqu’un avec qui j’aurais aimé partager le reste de ma vie. Un soir, en sortant d’une soirée, une de ses amies m’a demandé si je pouvais la ramener chez elle. En arrivant, nous nous sommes dit au revoir, mais juste avant d’entrer, elle s’est retournée vers moi et m’a dit : « Pourquoi ne pas abandonner cette étrange idée d’être prêtre ? Ma cousine t’aime et tu sais très bien que c’est une personne merveilleuse, épouse-la ! »

Ses paroles m’ont transpercé le cœur comme une épée. Ce qu’elle venait de me dire était quelque chose d’attirant pour moi et une possibilité plus qu’évidente. Et pourtant, d’une manière mystérieuse, l’appel que Jésus-Christ m’avait lancé était encore plus clair en moi.

Les semaines et les mois ont passé. J’étais à nouveau devant Jésus-Eucharistie. J’avais la gorge nouée. Des larmes coulaient sur mes joues. Je ressentais dans mon esprit et dans mon cœur la difficulté de quitter ce que j’aimais le plus, ma famille. J’ai pris une profonde inspiration, j’ai fixé mes yeux sur le Seigneur et lui ai dit : « Seigneur, je ne sais pas exactement où tu m’emmènes mais je sais que c’est toi qui m’appelles et me guides. Je n’ai pas assez de force pour te suivre, mais j’ai confiance que tu peux tout faire. Jésus, j’ai confiance en toi ! »

C’était comme cette fois où Simon, qui s’appellera plus tard Pierre, dit au Seigneur : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. » (Lc 5, 5) Ou comme cette belle prière de saint Augustin : « Seigneur, donne-moi la force de faire tout ce que tu me demandes. Et puis demande-moi ce que tu veux. »

Dix-huit ans. En partant au noviciat des Légionnaires du Christ à Monterrey, j’ai fait une escale à Mexico, juste de quelques heures, mais je me suis organisé pour pouvoir visiter un endroit qui, pour moi, est très particulier. Quel charme a cette « Vierge noire » à qui tant de pèlerins rendent visite ? « Marie de Guadalupe, je remets ma vocation entre tes mains. »

Ce jour-là, a commencé un long parcours de formation qui m’a conduit dans de nombreuses villes et dans lequel j’ai passé de longues heures à étudier dans de nombreuses salles de classe. Pendant ces années, j’ai partagé de merveilleux moments avec des gens incroyables. J’ai vécu de belles expériences de prière, de mission, de service, de pèlerinage, de rencontre. J’ai noué de belles amitiés, dont certaines, je le sais, m’accompagneront toute ma vie. J’ai également commis des erreurs pour lesquelles je demande pardon.

12 décembre 2020 : prêtre pour l’éternité !

Et aujourd’hui, je me retrouve à Caracas. Conscient de ma petitesse, je suis prostré devant l’autel. Je ne serai jamais tout à fait certain des raisons pour lesquelles le Seigneur m’a choisi. Je sais seulement que j’ai entendu sa voix et que je l’ai suivi. Dans quelques instants, à trente-trois ans, je m’agenouillerai, un évêque posera ses mains sur ma tête et invoquera le Saint-Esprit. Et il se produira un miracle qui naîtra de l’amour miséricordieux de Dieu. Je serai prêtre de Jésus-Christ pour l’éternité.

Loué soit Jésus-Christ !

Merci pour le don de votre vie !
Ordenación Sacerdotal: P. Elias Sayegh, LC; P. Leopoldo Sayegh, LC y P. Andrés Colmenares LC
Le paralytique, le serpent et l’Eucharistie