Écritures anciennes et Parole vivante
Leur découverte est une passion et une véritable nourriture
Emanuelle Pastore a soutenu sa thèse de doctorat en théologie à l’Institut catholique de Paris le 7 mars dernier, sur le sujet : « Sagesse ou folie ? La reine de Saba en visite à Jérusalem. Une étude exégétique de 1 Rois 10, 1-13 dans l’ensemble sur Salomon à partir des versions hébraïque et grecque. »
Image : La reine de Saba. Atlas catalan (détail de l’Asie occidentale : mer Caspienne et golfe Persique), 14ème siècle © BnF
Pourquoi vous être lancée dans un projet de thèse ?
J’ai repris les études de théologie après une quinzaine d’année de mission en pastorale de la jeunesse, en particulier au service de la catéchèse de collégiens et de lycéens. À partir de cette expérience, il m’était devenu nécessaire d’approfondir mes connaissances en théologie, afn de pouvoir mieux servir les jeunes. À ce moment-là, le projet de thèse n’était pas du tout à l’ordre du jour. Pendant cinq ans, j’ai participé au parcours habituel des séminaristes de Paris, que l’on appelle le baccalauréat en théologie, puis j’ai suivi le master en Bible.
Après cela, avec mes responsables consacrées, nous avons réévalué le parcours d’études et avons décidé que je poursuivrai en thèse, afn d’entreprendre désormais un parcours assez particulier, celui d’enseignante en Écritures Saintes. Avec la décision d’aller en thèse, mon activité – et par conséquent ma vie – allaient prendre un tournant nouveau et assez spécifque, celui de la recherche et de l’enseignement.
Est-il important que certaines consacrées poursuivent leur formation théologique jusqu’à l’obtention du doctorat ?
Certainement, sinon mes responsables ne m’y auraient pas encouragée. Il faut savoir que dans chaque institut religieux, même dans les ordres féminins, il est important qu’il y ait des théologiennes. Car toute forme d’apostolat ou toute spiritualité est appuyée sur une certaine option théologique. Notre institut, comme tous les autres, participe à sa manière à la grande mission de l’Église. Pour y prendre pleinement part, un institut doit donc assurer la formation théologique de ses membres.
Je voudrais ajouter qu’il est également urgent que les femmes prennent leur place dans l’étude et l’enseignement de la théologie. La théologie est nécessairement plurielle et je suis persuadée que cette pluralité sera d’autant plus féconde si des baptisés des différents états de vie se mettent à son service. Il s’agit là d’un véritable domaine de mission au sein même de l’Église !
Et pourquoi avez-vous choisi la Bible ?
La spécialisation en exégèse biblique n’a fait aucune hésitation pour moi. Cela est certainement dû à notre histoire comme institut. En effet, avec la déception liée à la fgure de notre fondateur, j’avais un fort besoin de revenir à la source de notre spiritualité : la Bible. La découverte de ces écritures anciennes comme Parole vivante de Dieu est devenue pour moi non seulement une passion, mais aussi une véritable nourriture.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre sujet de thèse ?
J’ai choisi de travailler sur un personnage de la Bible dont on ne sait pas grand-chose en défnitive : la reine de Saba. Il n’a pas été possible de mener très loin une enquête sur ce personnage qui aurait vécu au temps du roi Salomon, puisque malheureusement l’archéologie ne nous renseigne pas. Je me suis donc intéressée à l’histoire de la rédaction de ce texte. Son histoire rédactionnelle a été mouvementée et passionnante.
Ce type de recherche permet de mieux comprendre comment, à des époques successives, l’épisode a été relu et réécrit selon des enjeux théologiques assez différents. On s’aperçoit que ces vieux textes ont été recopiés et réinterprétés à différentes phases de l’histoire d’Israël pour répondre à des préoccupations bien précises. Le fait que l’épisode de la reine de Saba ait été recopié et réinterprété lui a permis de traverser le temps et de parvenir jusqu’à nous. Et l’épisode fait toujours sens pour les lecteurs d’aujourd’hui que nous sommes.
La rencontre entre une prestigieuse reine et le plus sage des rois d’Israël a pour objectif de rappeler que la sagesse d’Israël est si admirable qu’elle attire et séduit les autres peuples, même un peuple aussi éloigné géographiquement que l’est Saba par rapport à Israël. C’est donc un travail sur la sagesse d’Israël qui m’a occupée : ce qu’est la sagesse, sur quoi porte-t-elle, pourquoi Salomon, le roi sage, a-t-il si mal fni sa vie… ?
Après ce doctorat, quels sont maintenant vos projets ?
La recherche biblique ne s’arrête pas avec la thèse. Celle- ci a été un exercice pendant lequel j’ai beaucoup appris. J’ai la chance d’enseigner depuis quelques années au Collège des Bernardins et à l’Institut Catholique de Paris. Cela va continuer et s’intensifer et je vais aussi collaborer à la formation de nos propres consacrées. C’est une joie de participer à la formation théologique de laïcs, de séminaristes et de consacrées. Pour moi, l’enracinement est double : dans les institutions universitaires du diocèse de Paris et aussi dans notre famille spirituelle Regnum Christi. Il s’agit d’un équilibre qui est précieux à mes yeux.
Comment envisagez-vous de mettre le savoir théologique à la portée du grand public ?
J’ai quelques activités qui me permettent de parler de la Bible à tous. Je fais de la catéchèse auprès d’enfants du primaire. J’anime aussi un site internet destiné à tous pour se familiariser avec la Bible par le biais d’articles accessibles, ainsi que de podcasts. Le site s’appelle Via Egeria, en mémoire d’Egérie, une pèlerine du 4e siècle qui a sillonné tout le Proche-Orient ancien avec une Bible à la main pour découvrir les hauts-lieux de la foi chrétienne (www.via-egeria.com). Enfin, chaque année j’accompagne un groupe en Terre Sainte (Israël), mais aussi dans d’autres pays bibliques comme la Turquie, la Jordanie, l’Égypte ou le Liban.