Covid

Comment vivre ce temps de confinement ?

Réflexion de Cécile Beaure d’Augères, consacrée de Regnum Christi

Et si c’était un appel à vivre la Passion ?

La solitude d’un grand nombre de personnes

Les moments que nous vivons sont assez exceptionnels. Il faut savoir reconnaître la solidarité à laquelle nous sommes invités. Cette épidémie, s’étendant sur une grande partie des terres habitées, a demandé des mesures strictes de confinement qui ont provoqué la solitude d’un grand nombre de personnes âgées, handicapées, isolées en différents endroits et sans contact extérieur, amical ou familial, SDF, privant ainsi différentes populations d’une vie sociale.
Parmi ces personnes un certain nombre a pu apprécier les élans de solidarité que les personnes de l’extérieur – parents, amis, relations de bureau, collègues de travail – ont su leur manifester, soit par visite, soit par lettre, soit par téléphone. De nombreuses associations ont déployé leurs talents et leur générosité pour offrir leurs services. Pourtant… tous les problèmes sont loin d’avoir trouvé une solution.

« Pourquoi cette solitude, pourquoi cet isolement ? »

Au mois d’avril, j’ai croisé dans la rue, une personne que je connaissais et faisait partie d’un groupe de personnes âgées qui se rassemble une fois par trimestre pour échanger des idées et des avis sur différents sujets du quotidien mais avec un éclairage de foi chrétienne. Cette personne qui est « sans problème de santé particulier » pour parler de manière habituelle, doit avoir entre 75 et 80 ans.
Là, cette rencontre imprévue a permis un échange d’amitié avec une confidence que je n’oublierai pas de sitôt. « Pourquoi cette solitude ? Pourquoi cet isolement ? Bien évidemment, je suis seule et les membres de ma famille sont loin et, de plus, ils sont eux aussi coincés par ces consignes de ne pas sortir… » et là, elle a étouffé un sanglot.
Cette situation était aussi imprévue qu’imprévisible. J’avoue ne pas avoir été à la hauteur. Quelques mots gentils pour calmer son émotion puis nous nous sommes séparées. Mais cette rencontre est restée imprimée dans ma mémoire. Rentrée à la maison j’ai cherché une réponse à cette situation. Quelques minutes de réflexion et les paroles du Christ, lors de sa Passion à Gethsémani, se sont présentées. « Mon Père, mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Le Christ, Dieu fait homme, a lancé ce cri sur la croix parce qu’il se sentait seul, abandonné de ses apôtres, de ses amis, de ceux qu’il avait côtoyés lors de sa mission. Après la trahison de Judas, il avait été conduit devant Pilate. Là, il avait été flagellé, ridiculisé, humilié. Et Pilate l’avait montré à la foule en disant : « Voici l’Homme. »

« Voici l’homme. »

En méditant ce passage, il est possible de voir ce Jésus, cet homme défiguré par les coups et les moqueries qu’il avait subis. Oui, « Voici l’homme. » Voici ce que l’homme a fait de l’homme. Et cet homme-là, c’est chacun de nous, chacun de nos proches, de nos parents : isolé, sans ami, défiguré par les accusations, les moqueries, les sarcasmes dont nous nous chargeons mutuellement. Oui, l’homme est une créature fragile que les sarcasmes ou les accusations gratuites font souffrir et peuvent même anéantir. Ici, dans ce passage, le Christ représente ce qu’est devenu cet homme créé par Dieu et destiné à la gloire de la vie éternelle. Ici, Hérode montre cet homme blessé à mort. Mais cet homme, c’est chacun de nous et, souvent, nous le ressentons davantage en ce temps de confinement : les personnes seules, âgées, handicapées, etc, vivent cet isolement comme quelque chose d’immérité.

Chaque créature est dans la main de Dieu comme si elle était son unique souci

Et là, m’est revenu à la mémoire un petit mot d’encouragement reçu en accompagnement spirituel il y a de nombreuses années : la réponse donnée face à un sentiment de solitude me disait que chaque créature est dans la main de Dieu comme si elle était son unique souci (cf. Is 43, 1-7). Eh oui, Seigneur, c’est ce que j’aurai dû répondre… mais tu sais bien pourquoi je n’ai rien dit.
Oui, Seigneur, ce temps de confinement, de mise à l’écart, de solitude, c’est aussi un moment au cours duquel nous sommes invités à relire ce passage du bon Samaritain (cf. Lc 10, 25-37) que le pape François évoque en son encyclique Fratelli tutti (cf. 63). Ce bon Samaritain trouve devant lui un homme anéanti par les brigands qui gisait là, abandonné sur le sol. Des personnes importantes sont passées sans s’arrêter mais lui, un homme de passage qu’il ne connaissait pas, lui est venu en aide.

Mystère de notre rédemption

Mais, toi Seigneur, toi aussi, tu as accepté et accompli le dessein bienveillant de Dieu, ton Père qui « nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ. Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé. » (Ep 1, 5) Tu as donné ta vie pour laver les conséquences de notre refus d’obéissance à l’origine de la création. C’est le mystère de notre rédemption dont chacun est bénéficiaire et dont les fruits récompenseront notre générosité.
Tu nous as demandé de nous mettre à ton école toi qui es « doux et humble de cœur » (Mt 11, 29). Ici, Seigneur, que devons-nous faire pour soulager ces solitudes imméritées ? Dans la vie ordinaire, hors de cette période de confinement, nous côtoyons souvent ce genre de situation qui traduit un style de vie où nous sommes obnubilés par nos propres besoins et voir la souffrance d’une personne nous dérange parce que « nous avons beaucoup de choses à faire »… Le pape François nous explique que c’est le signe d’une société malade qui ne se construit qu’en tournant le dos à la souffrance.